NE ME PARLEZ PAS DE DIEU !
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PIERRE : Non ! Ne me parlez pas de Dieu ! Je n'y crois pas
et cela vaut mieux ainsi !
JEAN : Pourquoi donc ?
PIERRE : Pourquoi ? Pourquoi ? Parce que, si Dieu
existait, on ne verrait pas ce que nous voyons aujourd'hui. Il serait
impossible qu'Il permette sur la terre créée par Lui, tant d'horreurs et, en
particulier, toutes ces guerres, à moins d'admettre qu'Il ne prenne plaisir à
voir s'entre égorger ses créatures.
Je n'ai jamais eu beaucoup de croyances et l'on ne
m'a pas vu souvent à l'Eglise mais depuis ces dernières années, lire tant de
choses affreuses, je ne crois plus à rien du tout et je ne m'en cache pas.
JEAN : Eh bien, moi, je suis le contraire de vous ! Je
n'ai pas cessé de croire en Dieu et je crois même en Lui plus que jamais.
PIERRE : Je ne vous comprends pas du tout et j'aimerais
bien que vous vous expliquiez.
JEAN : C'est facile. Vous ne voulez plus croire en Dieu
parce que vous Le rendez responsable de tout ce qui arrive.
PIERRE : Ne dites-vous pas qu'Il est le Créateur, le Tout
Puissant ? Donc, tout ce qui arrive vient de Lui. Il est responsable de la guerre. Il aurait pu
l'empêcher... et Il laisse faire.
D'ailleurs, Il a toujours laissé faire, car, hélas,
ce n'est pas la première guerre. Il agit comme s'Il était le complice de tous
les fauteurs de guerre.
JEAN : Vous raisonnez comme s'il n'y avait dans ce
monde que la volonté de Dieu ; mais il y a aussi celle de l'homme. Dieu a donné
à sa créature la liberté, cadeau grand et redoutable.
PIERRE : Oui, en effet, redoutable. Il aurait mieux valu
qu'Il ne le lui fit pas. Il devait savoir l'usage abominable que l'homme en
ferait et, le sachant, Il n'y avait qu'à le lui supprimer.
JEAN : Votre raisonnement paraît logique mais, que
serait l'homme sans la liberté ? N'y avez vous jamais réfléchi ? Il serait une
machine, une machine très compliquée, très perfectionnée, je vous l'accorde,
mais rien de plus qu'une machine. Une machine obéit au commandement, exécute
docilement le travail que vous lui faites faire et pour lequel elle été conçue.
Mais, en dehors de cela, elle ne peut rien. Elle est incapable de choisir ce
qu'elle va faire ou de décider de quelle manière elle l'accomplira. Et si Dieu,
en le créant, ne lui avait pas donné la liberté, l'homme ne serait guère
différent de cette machine. N'ayant pas de volonté à lui, il serait entre les
mains Dieu, semblable à une marionnette qui reste immobile quand son montreur
le laisse au repos, mais qui bouge docilement bras et jambes, ou tourne la tête
chaque fois qu'on tire la
ficelle. Privé de liberté, l'homme devient un pur automate.
Est-ce là que vous voulez en venir, vous qui tenez
tant à votre liberté et en êtes si jaloux ?
Vous prétendez demeurer libre. C'est donc que vous avez une volonté, et si cette
volonté n'est pas une illusion mais une réalité, elle est capable virer en
conflit avec d'autres volontés, et en particulier celle de Dieu. L'homme a cette redoutable prérogative placé en face de la volonté divine, de
l'accepter ou la refuser.
Il est capable de lui dire oui ou non. Il peut choisir. Et
toute l'histoire de l'Humanité est la tragédie aux multiples épisodes de la
volonté humaine s'opposant à la volonté divine et l'on ne peut rien comprendre
à tout ce qui se dit dans ce monde si on ne tient compte de ce conflit.
PIERRE : Oui, admettons ; mais alors, Dieu ne pourrait-il
briser cette volonté rebelle ? L'homme est-il plus puissant que Dieu ?
JEAN : Certes, Dieu pourrait réduire à néant les
prétentions de l'homme et lui imposer sa volonté. Mais, Il lui a donné cette
liberté réelle. Si chaque fois que la volonté humaine est contraire à celle de Dieu,
s’il la supprimait, ce ne serait plus une liberté. Si, par exemple, vous
n'aviez la liberté que d'agir dans le sens qui me plait à moi, seriez-vous
encore libre ? Il n'y a liberté que lorsque la possibilité du choix et de
décision est restée entière.
PIERRE : Evidemment, mais du moment que l'homme se sert
de la liberté pour aboutir à de telles catastrophes, Dieu a fait son malheur en
le créant libre. Et je comprends ceux qui disent qu'Il est cruel.
JEAN : Oui, il y a là une apparence. On peut s'y
tromper, je le reconnais. Mais je sais que Dieu est Amour, et je pense que
c'est précisément parce qu'Il est Amour qu'Il a donné à l'homme la liberté.
PIERRE : Comment cela ?
JEAN : Permettez-moi une question. Vous avez une montre
n'est-ce pas ?
PIERRE : Voulez-vous la voir ?
JEAN : Non. Ce n'est pas nécessaire. Je pense qu'elle marche
bien et que vous la consultez souvent.
PIERRE : Oui.
JEAN : C'est donc une bonne montre et elle vous est très
utile.
PIERRE : Sans doute.
JEAN : Pourtant, l'aimez-vous au sens précis du terme, à la
manière dont par exemple, vous aimez une personne ?
PIERRE : Assurément non.
JEAN : Je le
comprends bien car votre montre n'est qu'une mécanique. Dès que vous l'avez
remontée, elle ne peut faire autrement que de marquer l'heure. Tous ses rouages
doivent se mouvoir dans le sens voulu par l'horloger et ainsi de suite de
toutes ses pièces. Ce qu'elle fait, elle ne peut pas ne pas le faire. Mais, et
je suppose évidemment une chose absurde, si votre montre était libre et avait
ainsi la possibilité de marquer l'heure qui lui conviendrait, et, si dans ces
conditions, elle continuait néanmoins à vous donner en tout temps l'heure
exacte, vous pourriez lui être reconnaissant car ce qu'elle ferait, elle le
ferait volontairement et de son plein gré.
La liberté crée ainsi de nouveaux rapports, de nouvelles
valeurs. Enlevez à l'homme la liberté et il n'est plus qu'une chose, un objet. Il
cesse d'être responsable. Comment le serait-il, puisque ce qu'il ferait, il ne
l'aurait pas voulu. Et, du même coup, amour et affection n'ont plus de sens.
Vous êtes père, vous avez des enfants et vous les aimez.
PIERRE : Oui, certes.
JEAN : Et cependant, ils ne sont pas toujours des modèles
d'obéissance. Vous dites qu'ils ont leur «petite tête» et leur volonté se
manifeste déjà dans toutes sortes de détails. Il y a conflit entre Nano qui ne
veut pas manger sa soupe et Papa qui veut qu'il la mange, et ainsi de suite.
Tout cela est encore peu grave, mais un jour viendra où les oppositions se
feront sur des terrains plus importants. Vous vous en doutez.
Pourtant, si j'allais vous proposer de remplacer
vos enfants par de merveilleux automates faits à leur ressemblance et capables
des mêmes actions qu'eux, vous n'auriez pas un moment d'hésitation et vous me
répondriez avec indignation : gardez vos automates et laissez moi mes enfants.
Cependant, j'essaierais de vous démontrer qu'avec
mes automates, vous n'auriez plus aucune inquiétude à nourrir. Ils sont
parfaitement dressés et feraient tout ce que vous voudriez. Leur volonté
absente ne risquerait jamais de contrarier la vôtre. Ne serait-ce pas
idéal ? Quelle tranquillité ! Quelle sécurité pour l'avenir ! Que de larmes, de
soucis épargnés à cause peut-être de la volonté rebelle d'un fils.
Mais, malgré tous mes
discours les plus persuasifs, je suis bien certain de n'obtenir aucun résultat.
Vous garderez vos enfants, bien qu'ayant pu déjà souffrir par eux, et appelé à
bien des tracas encore à cause d'eux. Et vous dédaignerez mes automates malgré
leur perfection C'est qu'en effet, vous aimez vos enfants et jamais vous ne
pourrez aimer des automates.
Nous avons besoin d'aimer. Plus que de pain,
l'homme a besoin d'amour. Or, il n'est possible qu'entre êtres libres. Vous
savez bien qu'on ne puisse le forcer. Il n'est au pouvoir de personne de vous
contraindre à aimer quelqu'un. L'amour ne se commande pas. Un maître peut
ordonner à son serviteur toutes sortes de choses mais il aura beau lui demander
de l'aimer, rien n'y fera, ni menaces, ni promesses, si le serviteur n'éprouve
rien de tel dans son cœur. L'amour repose sur la liberté et la contrainte le
met en fuite.
Donc, si Dieu voulait qu'il y eût de l'amour dans
ce monde, il fallait y introduire la liberté quelles que fussent les
conséquences. Certainement, il était facile pour Dieu de créer un monde où tout
aurait été mécanique et où aucune créature n'aurait joui de la moindre parcelle
de liberté, mais ce monde n'aurait jamais pu connaître quoi que ce soit de
l'amour.
Or, je crois avec l'Évangile que Dieu est amour et
que son but, en créant, n'était pas tant un mécanisme prodigieux que des
semailles d'amour. Il ne voulait pas seulement un univers d'où tirer Sa Gloire,
mais des êtres susceptibles de L'aimer et d'être aimés par Lui.
Dans le cœur de
tout homme normal se trouvent des réserves d'amour. Le jeune homme pense à
celle qui deviendra la compagne de sa vie, aux enfants qui naîtront, et de son
cœur jaillit l'amour comme d'une source.
Et je crois qu'en Dieu est l'origine de cette
source. Il a créé par amour, et en vue de l'amour, et c'est pourquoi il a doté
l'homme de la liberté, indispensable condition pour en faire un être capable
d'aimer et d'être aimé. Il a consenti au risque de voir la volonté des hommes
se dresser contre lui afin d'en faire des créatures libres.
PIERRE : Je n'avais jamais envisagé les choses sous cet
angle, je vous l'avoue. Vous m'ouvrez de nouveaux horizons et c'est pourquoi
j'aimerais vous poser une ou deux questions.
Et d'abord, admettons comme vous me l'avez dit, que
Dieu est amour, et qu'il a créé pour aimer et être aimé, son œuvre ressemble
fort à une faillite ; et est-ce que vous n'êtes pas quelque peu troublé dans
votre foi en constatant que votre Dieu a été incapable de réaliser ce qu'Il
avait voulu. Il a désiré faire des hommes qui soient comme des anges, et Il n'a
réussi qu'à créer des diables.
JEAN : Oui, en apparence, je vous l'accorde ; mais le dernier
mot n'est pas dit. Et je crois en son triomphe éclatant. Il peut paraître
impuissant devant la volonté humaine mais Il a son plan auquel II travaille
sans se lasser. Je ne puis pas vous exposer aujourd'hui tout ce plan.
J'essaierai seulement de vous expliquer par une comparaison comment je
comprends la manière dont Dieu agit pour vaincre la nature rebelle de l'homme.
Je suppose que vous avez dans votre jardin un arbre dont
vous attendez beaucoup de fruits, et qui ne produise, à votre grande déception,
que des fruits acides, impropres à la consommation. Qu'allez-vous
faire ? Essayer différents soins : vous constaterez vite leur insuffisance.
Faudra-t-il donc couper l'arbre ? Ce serait une solution, mais aussi un aveu de
défaite. Il y a mieux à faire : c'est de faire une greffe. Vous savez ce que cela veut dire, et
quelle merveille naturelle ce mot recouvre. Un peu de la sève d'un autre arbre,
mise au contact du vôtre, va pénétrer et transformer toute sa nature intime.
C'est un travail qui, pour être invisible et plein de mystère, n'en est pas
moins réel, d'une réalité que prouvent les faits puisque notre arbre va porter
des fruits différents de ceux qu'il a produits jusqu'alors. Aux fruits acides
vont succéder des fruits doux et agréables au goût. La greffe a réussi ce
miracle, donner une nouvelle nature. On peut dire de votre arbre qu'il est le
même, et plus le même. Il a le même tronc, les mêmes branches, l'apparence
extérieure, le lieu où il est planté ne diffèrent point ; mais ce qui importe
plus que le reste et en fait vraiment un arbre nouveau : il produit de bons fruits.
Or, ce qui se passe dans le domaine végétal, a lieu
aussi dans le domaine humain. L'homme porte de mauvais fruits. Même lorsqu'il
veut faire le bien, ses actes sont encore entachés de beaucoup d’orgueil, d'égoïsme.
Que faire ? L'éducation, l'instruction, la civilisation, la science se sont
révélées impuissantes à changer le cœur de l'homme. On pourrait, vous le savez
comme moi, remplir les bibliothèques de toutes les atrocités perpétuées en ce
XXème siècle. Et elles ont été le fait des peuples les plus éduqués comme des
moins civilisés. Faudrait-il donc désespérer de l'humanité et ne resterait-il
plus à Dieu qu'à la détruire ? Il serait, certes, fondé à le faire. Mais, Lui,
qui a mis dans le monde végétal la merveilleuse possibilité de la greffe, a
établi quelque chose de semblable au sein de l'humanité.
Il a envoyé son Fils dans le monde. Jésus est mort
sur la croix volontairement. Il a pris la place des hommes pécheurs, supportant
le châtiment qu'ils avaient mérité. Et, par ce merveilleux sacrifice, Il est
devenu le moyen du salut pour quiconque s'unit à Lui par la foi, Il se passe
pour celui qui vient au Christ, humblement, avec le désir d'être pardonné de
tout ce qui charge sa conscience, quelque chose de tout à fait semblable à ce
qui a lieu quand une plante est greffée. Christ pénètre dans cette âme qu’il appelle
et y dépose avec le pardon que Lui seul peut donner, une vie nouvelle qui,
faible au début, prendra la place de l'ancienne après s'être développée. Vous
me direz peut-être : c'est bien mystérieux. Je vous répondrai : la greffe
végétale n'est-elle pas aussi un mystère. Qui peut suivre et expliquer ce qui
se passe dans la plante greffée, et par quel travail tout un arbre a sa nature
changée par un infime greffon. Et pourtant, la greffe est un fait malgré ce
mystère qui l'enveloppe. De même, l'œuvre de Christ dans les cœurs où Il entre
est, je vous le concède, pleine de mystère ; mais cela ne prouve rien contre sa
réalité. Elle est un fait d'expérience.
Chaque jour, il y a des vies changées. Il est
facile de le méconnaître. Le mal fait plus de bruit que le bien.
Permettez-moi de vous citer un petit fait
authentique : Un voyageur incrédule s'entretenait une fois avec le chef
indigène d'une île du Pacifique et s'étonnait d'apprendre que lui et la plus
grande partie de sa tribu étaient chrétiens.
"A
quoi cela vous sert-il, questionnait-il en raillant ? N'étiez-vous pas aussi
heureux avec vos anciens dieux ?".
"En tout cas, répondit avec à propos son interlocuteur,
c'est une bonne chose pour toi que nous soyons chrétiens. Sans cela, rien ne
nous aurait empêchés, comme nos parents le faisaient, de te transpercer de
flèches et de te faire rôtir".
L'incrédule ne sut que répliquer.
Certaines
personnes accordent beaucoup d'importance aux réformes sociales, aux
législations mais les réformes sociales, les lois ne changent rien si elles ne
trouvent pas des hommes, eux-mêmes changés, pour les appliquer. Les progrès
vraiment accomplis, ceux qu'on peut dire réels, ont toujours été le fait de
personnalités transformées par l'Esprit divin. Seul, un cœur changé peut
changer les autres.
C'est ainsi, pour répondre à votre question, que Dieu
n'est pas le vaincu que l'on pourrait croire à première vue. Son Esprit à l'œuvre
dans ce monde remporte des victoires que l'on peut qualifier de magnifiques.
Nos journaux rapportent celles du diable ; mais il ne faut pas croire qu'il n'y
ait qu'elles.
PIERRE : N'empêche
qu'on peut se demander comment tout cela finira et qui l'emportera en
définitive.
JEAN : Dieu I Sa parole à laquelle je crois de toutes
mes forces nous dit qu'Il enverra de nouveau Son Fils. Cette seconde venue sera
très différente de la
première. Jésus était venu humblement, comme l'Agneau de Dieu
pour souffrir et donner Sa vie. Il reviendra en Seigneur des seigneurs pour
régner sur les nations placées alors pour toujours sous son autorité. La Paix
et la Justice règneront alors. Le prophète Esaïe a décrit ce temps merveilleux
en termes qui font tressaillir d’espérance tout cœur qui a soif de justice.
Non, la violence ne régnera pas toujours sur cette terre.
Les guerres cesseront et Dieu sera vainqueur.
Il faut savoir que, tout arrivera sans le secours
d’aucune main humaine.
Et ce que je
voudrais vous dire encore avant de vous quitter, c'est que cette victoire de
Dieu est une victoire pour laquelle Il a souffert et donné ce qu'Il avait de
plus précieux : son Fils.
Songez à ce que
coûte pour des parents de donner un enfant.
Dieu n'est pas le Dieu lointain que certains imaginent.
Il est le Dieu tout proche. Il a souffert et comprend ceux qui souffrent. Il
peut seul leur apporter la consolation et la certitude des ultimes réparations.
PIERRE : Je vous
remercie beaucoup pour toute la peine que vous avez pris à m'expliquer ces
choses. Et je vous promets même d'y penser très sérieusement.
Thomas Bres
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